séminaire de climatologie – lundi 3 juin 2013
Comment mieux expliquer la nuisance lupine en Provence au XIXe siècle ? L’apport de l’analyse spatiale
Éric Fabre (TELEMME, Aix-Marseille université) et Thierry Castel (AgroSup Dijon et CRC)
lundi 3 juin 2013, à 14 heures, en salle de réunion du CRC
Objectifs de l’intervention : intégrer la capacité des loups à effectuer de grands déplacements pour « sortir du bois » et attaquer des troupeaux en zone pastorale. Cette mobilité implique que la recherche de corrélation entre l’ampleur de la nuisance et la configuration du milieu intègre le voisinage des espaces où la nuisance se concrétise.
Sources : archives départementales (Var, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes) des préfets pour inventorier les battues et destructions de loups, louves, louveteaux (séries K, M, et Z), à expliquer par la configuration du milieu (démographie et état de l’agriculture : série M ; modalités d’occupation du sol : série P).
Méthodes : cartographie des zones de conflit pour rechercher une structure spatiale dans la nuisance. Interprétation de cette structure par un indice de Moran qui mesure la ressemblance entre communes voisines. Analyse linéaire multiple pour évaluer la part de chaque facteur du milieu dans la définition de la nuisance puis application d’un modèle autorégressif simultané SAR pour définir les dimensions des espaces en interconnexion vis-à-vis de la nuisance. Tout cela est appliqué sur un lot de plus de 500 communes du sud-est de la France.
Cette démarche expérimentale est conduite dans une large Provence, de la côte méditerranéenne aux massifs alpins, à partir des archives administratives produites par les préfectures des départements concernés (Var, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes), durant le XIXe siècle
Nous observons qu’outre des relations de causalité déjà documentées entre les événements-loup et l’occupation du sol, par exemple à l’échelle de la commune, l’analyse statistique montre que la nuisance due aux loups est très structurée dans l’espace. Ces résultats suggèrent clairement la nécessité de spatialiser l’analyse pour prendre en compte les capacités de mobilité. Nous montrons que cette structure spatiale est en partie la résultante de la combinaison de plusieurs processus multi-échelles dont l’interprétation est complexe et stimulante.
Un premier niveau de forte corrélation spatiale apparaît sur une échelle d’environ 50 km ; ce résultat est interprété comme la signature d’un gradient en lien avec les facteurs environnementaux. Par ailleurs, le processus même de création de l’archive administrative se marque dans la structure des données puisque l’analyse individualise les comportements différentiels des trois départements concernés. Enfin, changeant d’échelle en nous focalisant sur le seul département des Alpes-de-Haute-Provence, nous observons une corrélation spatiale résiduelle d’environ 6 km qui pourrait s’apparenter à des échelles de spot de nuisance sur la zone ; se dégagerait ainsi une forme de dispersion et d’habitat privilégié du loup. Les déterminants de cette structure locale restent toutefois à clarifier.
Finalement, la combinaison subtile des impacts directs et indirects des activités humaines – plus ou moins contraintes par les propriétés du milieu physique – contrôle la distribution spatiale des évènements-loup. Elle dégage divers niveaux de structuration de l’espace qui articulent configuration des lieux, biologie de l’espèce et gestion administrative de la nuisance, soit des éléments relevant de la géographie, de la biologie et de l’histoire. Ces résultats ouvrent d’intéressantes perspectives sur les effets relatifs de ces différentes composantes de la nuisance.
- extrait:
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- Comment mieux expliquer la nuisance lupine en Provence au XIXe siècle ? L’apport de l’analyse spatiale
- intervenant:
- Éric Fabre
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- lundi 3 juin 2013
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Comment mieux expliquer la nuisance lupine en Provence au XIXe siècle ? L’apport de l’analyse spatiale
Éric Fabre (TELEMME, Aix-Marseille université) et Thierry Castel (AgroSup Dijon et CRC)
lundi 3 juin 2013, à 14 heures, en salle de réunion du CRC
Objectifs de l’intervention : intégrer la capacité des loups à effectuer de grands déplacements pour « sortir du bois » et attaquer des troupeaux en zone pastorale. Cette mobilité implique que la recherche de corrélation entre l’ampleur de la nuisance et la configuration du milieu intègre le voisinage des espaces où la nuisance se concrétise.
Sources : archives départementales (Var, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes) des préfets pour inventorier les battues et destructions de loups, louves, louveteaux (séries K, M, et Z), à expliquer par la configuration du milieu (démographie et état de l’agriculture : série M ; modalités d’occupation du sol : série P).
Méthodes : cartographie des zones de conflit pour rechercher une structure spatiale dans la nuisance. Interprétation de cette structure par un indice de Moran qui mesure la ressemblance entre communes voisines. Analyse linéaire multiple pour évaluer la part de chaque facteur du milieu dans la définition de la nuisance puis application d’un modèle autorégressif simultané SAR pour définir les dimensions des espaces en interconnexion vis-à-vis de la nuisance. Tout cela est appliqué sur un lot de plus de 500 communes du sud-est de la France.
S’il est un lieu commun de reconnaître dans le loup un des animaux les plus nuisibles relativement aux activités humaines, il est beaucoup plus rare que cette nuisance soit expliquée, sachant que c’est de l’interaction entre besoins biologiques de l’animal et activités humaines qu’elle émerge. Cette réflexion a conduit à forger la notion d’événement-loup et a débouché sur le recherche des déterminants de ces interactions entre hommes et loups : quels sont les facteurs du milieu qui les expliquent ?1 Durant le XIXe siècle, les enquêtes démographiques et agricoles ainsi que les cadastres dessinent le cadre de cette relation conflictuelle. Quand aux loups, leur présence réelle ou seulement crainte apparaît dans les demandes ou autorisations de battues, ainsi que dans les attestations de loups détruits. Tous ces documents sont établis à l’échelle communale. Durant le XIXe siècle, la stabilité administrative autorise de mobiliser des approches statistiques s'appuyant sur les limites communales actuelles visant à définir les corrélations entre nuisance (décrite par les événements-loup) et facteurs du milieu.
Cette démarche expérimentale est conduite dans une large Provence, de la côte méditerranéenne aux massifs alpins, à partir des archives administratives produites par les préfectures des départements concernés (Var, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes), durant le XIXe siècle
Nous observons qu'outre des relations de causalité déjà documentées entre les événements-loup et l'occupation du sol, par exemple à l'échelle de la commune, l'analyse statistique montre que la nuisance due aux loups est très structurée dans l’espace. Ces résultats suggèrent clairement la nécessité de spatialiser l'analyse pour prendre en compte les capacités de mobilité. Nous montrons que cette structure spatiale est en partie la résultante de la combinaison de plusieurs processus multi-échelles dont l'interprétation est complexe et stimulante.
Un premier niveau de forte corrélation spatiale apparaît sur une échelle d’environ 50 km ; ce résultat est interprété comme la signature d'un gradient en lien avec les facteurs environnementaux. Par ailleurs, le processus même de création de l’archive administrative se marque dans la structure des données puisque l’analyse individualise les comportements différentiels des trois départements concernés. Enfin, changeant d’échelle en nous focalisant sur le seul département des Alpes-de-Haute-Provence, nous observons une corrélation spatiale résiduelle d'environ 6 km qui pourrait s'apparenter à des échelles de spot de nuisance sur la zone ; se dégagerait ainsi une forme de dispersion et d'habitat privilégié du loup. Les déterminants de cette structure locale restent toutefois à clarifier.
Finalement, la combinaison subtile des impacts directs et indirects des activités humaines - plus ou moins contraintes par les propriétés du milieu physique - contrôle la distribution spatiale des évènements-loup. Elle dégage divers niveaux de structuration de l’espace qui articulent configuration des lieux, biologie de l’espèce et gestion administrative de la nuisance, soit des éléments relevant de la géographie, de la biologie et de l’histoire. Ces résultats ouvrent d'intéressantes perspectives sur les effets relatifs de ces différentes composantes de la nuisance.
Fabre Éric, 2010. « Le loup dans son milieu en Provence au XIXe siècle. Essai d'interprétation de la nuisance lupine », Histoire et Mesure, n°XXV-2, p. 95-120.