Article publié dans Agriculture, Ecosystems and Environnement
Chez les oiseaux, manger bio maintient en forme
Les effets de l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle (forte consommatrice de pesticides) ont été comparés en conditions naturelles sur le comportement et la vigueur de plusieurs espèces d’oiseaux. Les résultats montrent, pour 6 espèces différentes, que la vigueur des individus nichant dans les haies entourées d’agriculture conventionnelle est fortement diminuée matérialisant une altération significative de leur état de santé. Cette étude a été publiée en mai 2022 dans la revue Agriculture, Ecosystems and Environnement par des chercheurs du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/La Rochelle université) et du laboratoire Biogéosciences (CNRS/UBFC/uB).
Exposition aux produits phytosanitaires : des effets sur les populations d’oiseaux
L’intensification de l’agriculture est à l’origine d’un déclin de la biodiversité sans précédent, notamment chez les oiseaux, et l’utilisation très importante de produits phytosanitaires en est l’une des causes. L’impact des pesticides est reconnu par les effets létaux suite à l’exposition ou l’ingestion de doses massives et/ou de molécules particulièrement toxiques. Mais ces effets négatifs sont largement sous-estimés par les études qui ne se préoccupent que d’exposition aigüe aux doses plus importantes en mesurant la mortalité et souvent par le biais d’expériences en laboratoire ne mimant pas la réalité du terrain. Peu d’études se préoccupent également du comportement. Or, ce dernier est souvent la première composante visible d’une intoxication. Ainsi, l’étude du comportement des oiseaux en conditions naturelles pourrait être un bon marqueur d’une dégradation physiologique des organismes due à ces expositions chroniques et non létales.
Une dégradation de la vigueur des oiseaux nichant dans des haies « non bios »
En capturant 6 espèces de passereaux dans des haies au milieu de champs en agriculture biologique (sans utilisation de pesticides) ou dans des haies, similaires en composition et en nature, mais bordées d’agriculture conventionnelle, les chercheurs ont pu mettre en évidence une dégradation nette de l’état de santé comportementale des oiseaux en agriculture conventionnelle pendant la saison de reproduction. Pour ce faire, les chercheurs ont mis au point un protocole d’observation du comportement basé sur la quantification du débattement des oiseaux capturés au filet lors de l’approche simulée d’un prédateur, et le nombre de cris et le nombre de tentatives de fuite lorsque l’oiseau était tenu en main. Les résultats sont sans appel. Les oiseaux capturés en agriculture conventionnelle se débattaient beaucoup moins à l’approche du prédateur, étaient beaucoup moins agressifs et vocalisaient moins face à l’expérimentateur. En revanche, la corpulence des individus ne changeait pas entre les deux types d’agricultures, tendant à montrer que la différence de comportement observée serait plutôt due à des perturbations physiologiques en relation avec les pesticides, qu’à une baisse d’énergie disponible (résultant d’une potentielle différence de disponibilité des ressources).
Un dispositif expérimental innovant
Contrairement à l’immense majorité des études qui testent les effets des pesticides en laboratoire, cette étude a été réalisée in natura sur un grand nombre d’espèces permettant de généraliser l’effet observé puisque toutes les espèces répondaient de façon similaire. Cette étude sur le terrain est permise par la connaissance fine du territoire : dans la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (au sud de Niort dans les Deux-Sèvres), l’intégralité des parcelles en agriculture biologique et en agriculture conventionnelle est connue, informant sur l’utilisation ou non de pesticides à l’échelle des paysages.
Pour conclure, cette étude indique que le comportement des oiseaux pourrait être utilisé afin d’évaluer l’impact des activités humaines, par exemple en indiquant voire en mesurant quantitativement la dégradation de la qualité de vie dans un écosystème. Les oiseaux, par exemple dans ces paysages agricoles, pourraient ainsi être qualifiés de sentinelles pour la santé humaine (et celle des écosystèmes), renforçant l’approche et le concept naissants de la santé environnementale (One Health).
Contacts Communication
Université de Bourgogne / UBFC / Laboratoire Biogéosciences
Audrey Rahali – 06 77 43 47 24 – audrey.rahali@u-bourgogne.fr
Alexandre Pohl – 07 70 00 27 96 – alexandre.pohl@u-bourgogne.fr
Contacts chercheurs
Laboratoire Biogéosciences CNRS/ UBFC /uB
Chercheur université de Bourgogne : Jérôme Moreau – 06 81 57 84 57 – Jerome.moreau@u-bourgogne.fr
Centre d’Études Biologiques de Chizé, CNRS / La Rochelle Université,
Chercheur CNRS : Vincent Bretagnolle – 06 15 29 24 43 – breta@cebc.cnrs.fr
Article
Moreau J, Monceau K, Gonnet G, Pfister M & Bretagnolle V. 2022. Organic farming positively affects the vitality of passerine birds in agricultural landscapes. Agriculture, Ecosystems & Environment, 336, 108034. https://doi.org/10.1016/j.agee.2022.108034.
- extrait:
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Chez les oiseaux, manger bio maintient en forme
Les effets de l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle (forte consommatrice de pesticides) ont été comparés en conditions naturelles sur le comportement et la vigueur de plusieurs espèces d’oiseaux. Les résultats montrent, pour 6 espèces différentes, que la vigueur des individus nichant dans les haies entourées d’agriculture conventionnelle est fortement diminuée matérialisant une altération significative de leur état de santé. Cette étude a été publiée en mai 2022 dans la revue Agriculture, Ecosystems and Environnement par des chercheurs du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/La Rochelle université) et du laboratoire Biogéosciences (CNRS/UBFC/uB).
Exposition aux produits phytosanitaires : des effets sur les populations d’oiseaux
L’intensification de l’agriculture est à l’origine d’un déclin de la biodiversité sans précédent, notamment chez les oiseaux, et l’utilisation très importante de produits phytosanitaires en est l’une des causes. L’impact des pesticides est reconnu par les effets létaux suite à l’exposition ou l’ingestion de doses massives et/ou de molécules particulièrement toxiques. Mais ces effets négatifs sont largement sous-estimés par les études qui ne se préoccupent que d’exposition aigüe aux doses plus importantes en mesurant la mortalité et souvent par le biais d’expériences en laboratoire ne mimant pas la réalité du terrain. Peu d’études se préoccupent également du comportement. Or, ce dernier est souvent la première composante visible d’une intoxication. Ainsi, l’étude du comportement des oiseaux en conditions naturelles pourrait être un bon marqueur d’une dégradation physiologique des organismes due à ces expositions chroniques et non létales.
Une dégradation de la vigueur des oiseaux nichant dans des haies « non bios »
En capturant 6 espèces de passereaux dans des haies au milieu de champs en agriculture biologique (sans utilisation de pesticides) ou dans des haies, similaires en composition et en nature, mais bordées d’agriculture conventionnelle, les chercheurs ont pu mettre en évidence une dégradation nette de l’état de santé comportementale des oiseaux en agriculture conventionnelle pendant la saison de reproduction. Pour ce faire, les chercheurs ont mis au point un protocole d’observation du comportement basé sur la quantification du débattement des oiseaux capturés au filet lors de l’approche simulée d’un prédateur, et le nombre de cris et le nombre de tentatives de fuite lorsque l’oiseau était tenu en main. Les résultats sont sans appel. Les oiseaux capturés en agriculture conventionnelle se débattaient beaucoup moins à l’approche du prédateur, étaient beaucoup moins agressifs et vocalisaient moins face à l’expérimentateur. En revanche, la corpulence des individus ne changeait pas entre les deux types d’agricultures, tendant à montrer que la différence de comportement observée serait plutôt due à des perturbations physiologiques en relation avec les pesticides, qu’à une baisse d’énergie disponible (résultant d’une potentielle différence de disponibilité des ressources).
Un dispositif expérimental innovantContrairement à l’immense majorité des études qui testent les effets des pesticides en laboratoire, cette étude a été réalisée in natura sur un grand nombre d’espèces permettant de généraliser l’effet observé puisque toutes les espèces répondaient de façon similaire. Cette étude sur le terrain est permise par la connaissance fine du territoire : dans la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (au sud de Niort dans les Deux-Sèvres), l’intégralité des parcelles en agriculture biologique et en agriculture conventionnelle est connue, informant sur l’utilisation ou non de pesticides à l’échelle des paysages.
Pour conclure, cette étude indique que le comportement des oiseaux pourrait être utilisé afin d’évaluer l’impact des activités humaines, par exemple en indiquant voire en mesurant quantitativement la dégradation de la qualité de vie dans un écosystème. Les oiseaux, par exemple dans ces paysages agricoles, pourraient ainsi être qualifiés de sentinelles pour la santé humaine (et celle des écosystèmes), renforçant l’approche et le concept naissants de la santé environnementale (One Health).
Contacts Communication
Université de Bourgogne / UBFC / Laboratoire Biogéosciences
Audrey Rahali – 06 77 43 47 24 – audrey.rahali@u-bourgogne.fr
Alexandre Pohl – 07 70 00 27 96 – alexandre.pohl@u-bourgogne.frContacts chercheurs
Laboratoire Biogéosciences CNRS/ UBFC /uB
Chercheur université de Bourgogne : Jérôme Moreau - 06 81 57 84 57 - Jerome.moreau@u-bourgogne.fr
Centre d'Études Biologiques de Chizé, CNRS / La Rochelle Université,
Chercheur CNRS : Vincent Bretagnolle – 06 15 29 24 43 - breta@cebc.cnrs.frArticle
Moreau J, Monceau K, Gonnet G, Pfister M & Bretagnolle V. 2022. Organic farming positively affects the vitality of passerine birds in agricultural landscapes. Agriculture, Ecosystems & Environment, 336, 108034. https://doi.org/10.1016/j.agee.2022.108034.