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Article publié dans Nature

La tectonique des plaques, contrôle de l’oxygénation océanique au cours des temps géologiques

L’oxygénation de l’océan aurait rythmé l’évolution de la biodiversité marine au cours des temps géologiques. Il est communément admis que les variations de l’oxygénation marine résulteraient de changements dans la concentration en oxygène dans l’atmosphère. Cette étude montre que la réorganisation de la position des continents aurait largement dicté l’évolution de l’oxygénation de l’océan à l’échelle des temps géologiques, induisant un découplage majeur entre l’oxygénation de l’océan superficiel et profond. Ces variations de l’oxygénation océanique indépendantes de la concentration atmosphérique en oxygène représentent un défi pour l’interprétation des indicateurs géologiques de l’oxygénation marine et mettent en évidence un contrôle jusque-là sous-estimé de la tectonique des plaques sur l’évolution de la vie sur Terre.

La concentration océanique en oxygène dissous contrôle au premier ordre l’habitabilité de l’océan par les faunes marines aujourd’hui, et aurait largement dicté leur évolution au cours des derniers 540 millions d’années, depuis l’apparition des formes de vie complexe au Cambrien. L’oxygénation des eaux aurait notamment contribué à l’explosion majeure de la biodiversité au cours de l’Ordovicien, il y a environ 460 Ma, tandis que la désoxygénation des eaux (ou anoxie) aurait provoqué plusieurs des grandes extinctions de masse qui ont marqué la vie sur Terre. Contraindre l’évolution de l’oxygénation océanique est donc crucial pour comprendre l’évolution de la biodiversité océanique.

Ces dernières décennies ont vu se développer une large gamme d’indicateurs indirects, ou proxies, de l’oxygénation des eaux dans le passé géologique. Ces proxies consistent en des mesures d’éléments chimiques dans les roches et renseignent en général sur la concentration locale en oxygène dissous au lieu d’échantillonnage. Des modèles numériques du système climatique terrestre jouent ensuite un rôle majeur dans l’interprétation de cette base de données géologique, en permettant de replacer ces mesures ponctuelles dans un cadre global. Les modèles utilisés jusqu’ici pour étudier l’évolution de l’oxygénation de l’océan au cours des 540 derniers millions d’années étaient relativement simples. Ils représentent l’océan comme un unique réservoir (et donc une seule valeur de concentration en oxygène dissous pour l’océan global). Cet unique réservoir ne permet pas de représenter la circulation océanique, qui joue pourtant un rôle majeur en véhiculant de manière plus ou moins vigoureuse l’oxygène depuis la surface jusqu’aux abysses. Par conséquent, dans ces modèles, la désoxygénation de l’océan implique nécessairement une chute de la concentration atmosphérique en oxygène.

Ici, nous avons appliqué pour la première fois un modèle offrant une représentation spatialisée de l’océan en trois dimensions, à l’étude de l’évolution de l’oxygénation de l’océan au cours des 540 derniers millions d’années. Nos simulations numériques permettent de simuler les courants océaniques. Les résultats montrent que la circulation océanique induit un découplage majeur entre l’oxygénation de l’océan superficiel et profond. Dans le modèle, la circulation océanique associée à la configuration des continents qui caractérisait le passé très lointain, entre 540 et 440 Ma, mène à une désoxygénation de l’océan profond pour une grande gamme de concentrations atmosphériques en oxygène, y-compris pour des valeurs actuelles. Ces résultats apportent donc un éclairage entièrement nouveau sur l’interprétation des proxies, qui ne nécessite pas forcément d’invoquer une concentration atmosphérique beaucoup plus faible qu’aujourd’hui pour expliquer les conditions de faible oxygénation océanique documentées entre 540 et 440 Ma. En démontrant un contrôle majeur de l’oxygénation des eaux par la configuration des continents à l’échelle des temps géologiques, notre étude met en lumière un lien étroit, jusque-là sous-estimé, entre la tectonique des plaques et l’évolution de la biodiversité.

 

Chronique diffusée sur France Info :

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/decouverte-la-tectonique-des-plaques-a-rendu-la-vie-marine-possible_5259592.html

 

Référence

Alexandre Pohl, Andy Ridgwell, Richard G. Stockey, Christophe Thomazo, Andrew Keane, Emmanuelle Vennin & Christopher R. Scotese. 2022. Continental configuration controls ocean oxygenation during the Phanerozoic. Nature 608, 523–527

 

Contact chercheur

Alexandre Pohl – alexandre.pohl@u-bourgogne.fr
Biogéosciences, UMR 6282 CNRS, université Bourgogne Franche-Comté

 

Correspondant communication du laboratoire

Alexandre Pohl – alexandre.pohl@u-bourgogne.fr
Biogéosciences, UMR 6282 CNRS, université Bourgogne Franche-Comté

extrait:
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La tectonique des plaques, contrôle de l’oxygénation océanique au cours des temps géologiques

L’oxygénation de l’océan aurait rythmé l’évolution de la biodiversité marine au cours des temps géologiques. Il est communément admis que les variations de l’oxygénation marine résulteraient de changements dans la concentration en oxygène dans l’atmosphère. Cette étude montre que la réorganisation de la position des continents aurait largement dicté l’évolution de l’oxygénation de l’océan à l’échelle des temps géologiques, induisant un découplage majeur entre l’oxygénation de l’océan superficiel et profond. Ces variations de l’oxygénation océanique indépendantes de la concentration atmosphérique en oxygène représentent un défi pour l’interprétation des indicateurs géologiques de l’oxygénation marine et mettent en évidence un contrôle jusque-là sous-estimé de la tectonique des plaques sur l’évolution de la vie sur Terre.

La concentration océanique en oxygène dissous contrôle au premier ordre l’habitabilité de l’océan par les faunes marines aujourd’hui, et aurait largement dicté leur évolution au cours des derniers 540 millions d’années, depuis l’apparition des formes de vie complexe au Cambrien. L’oxygénation des eaux aurait notamment contribué à l’explosion majeure de la biodiversité au cours de l’Ordovicien, il y a environ 460 Ma, tandis que la désoxygénation des eaux (ou anoxie) aurait provoqué plusieurs des grandes extinctions de masse qui ont marqué la vie sur Terre. Contraindre l’évolution de l’oxygénation océanique est donc crucial pour comprendre l’évolution de la biodiversité océanique.

Ces dernières décennies ont vu se développer une large gamme d’indicateurs indirects, ou proxies, de l’oxygénation des eaux dans le passé géologique. Ces proxies consistent en des mesures d’éléments chimiques dans les roches et renseignent en général sur la concentration locale en oxygène dissous au lieu d’échantillonnage. Des modèles numériques du système climatique terrestre jouent ensuite un rôle majeur dans l’interprétation de cette base de données géologique, en permettant de replacer ces mesures ponctuelles dans un cadre global. Les modèles utilisés jusqu’ici pour étudier l’évolution de l’oxygénation de l’océan au cours des 540 derniers millions d’années étaient relativement simples. Ils représentent l’océan comme un unique réservoir (et donc une seule valeur de concentration en oxygène dissous pour l’océan global). Cet unique réservoir ne permet pas de représenter la circulation océanique, qui joue pourtant un rôle majeur en véhiculant de manière plus ou moins vigoureuse l’oxygène depuis la surface jusqu’aux abysses. Par conséquent, dans ces modèles, la désoxygénation de l’océan implique nécessairement une chute de la concentration atmosphérique en oxygène.

Ici, nous avons appliqué pour la première fois un modèle offrant une représentation spatialisée de l’océan en trois dimensions, à l’étude de l’évolution de l’oxygénation de l’océan au cours des 540 derniers millions d’années. Nos simulations numériques permettent de simuler les courants océaniques. Les résultats montrent que la circulation océanique induit un découplage majeur entre l’oxygénation de l’océan superficiel et profond. Dans le modèle, la circulation océanique associée à la configuration des continents qui caractérisait le passé très lointain, entre 540 et 440 Ma, mène à une désoxygénation de l’océan profond pour une grande gamme de concentrations atmosphériques en oxygène, y-compris pour des valeurs actuelles. Ces résultats apportent donc un éclairage entièrement nouveau sur l’interprétation des proxies, qui ne nécessite pas forcément d’invoquer une concentration atmosphérique beaucoup plus faible qu’aujourd’hui pour expliquer les conditions de faible oxygénation océanique documentées entre 540 et 440 Ma. En démontrant un contrôle majeur de l’oxygénation des eaux par la configuration des continents à l’échelle des temps géologiques, notre étude met en lumière un lien étroit, jusque-là sous-estimé, entre la tectonique des plaques et l’évolution de la biodiversité.

 

Chronique diffusée sur France Info :

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/decouverte-la-tectonique-des-plaques-a-rendu-la-vie-marine-possible_5259592.html

 

Référence

Alexandre Pohl, Andy Ridgwell, Richard G. Stockey, Christophe Thomazo, Andrew Keane, Emmanuelle Vennin & Christopher R. Scotese. 2022. Continental configuration controls ocean oxygenation during the Phanerozoic. Nature 608, 523–527

 

Contact chercheur

Alexandre Pohl – alexandre.pohl@u-bourgogne.fr
Biogéosciences, UMR 6282 CNRS, université Bourgogne Franche-Comté

 

Correspondant communication du laboratoire

Alexandre Pohl – alexandre.pohl@u-bourgogne.fr
Biogéosciences, UMR 6282 CNRS, université Bourgogne Franche-Comté

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