séminaire du pôle évolution du vivant – vendredi 5 décembre
Les parasites en tant que médiateurs des interactions biotiques dans un écosystème lotique soumis à des introductions d’espèces : le cas de l’infection par l’acanthocéphale Polymorphus minutus chez l’amphipode Gammarus roeseli
Vendredi 5 décembre 2008 à 11 heures, amphi Mariotte
Vincent Médoc présentera ses travaux de thèse, réalisés au sein du laboratoire LIEBE à l’université Paul Verlaine de Metz.
Les communautés biologiques contemporaines des écosystèmes soumis aux glaciations regroupent des espèces dont le passé coévolutif est parfois faible voire inexistant. Si le déplacement d’un organisme hors de son aire de répartition originelle est un processus naturel, la connectivité des hydrosystèmes à une échelle internationale augmente la fréquence des introductions et la quantité d’organismes déplacés dans les écosystèmes lotiques. L’aptitude de l’espèce exotique à proliférer au-delà de son point d’introduction, autrement dit son potentiel invasif, va dépendre en partie des relations biotiques qu’elle entretient avec la faune en place.
L’incorporation aux réseaux trophiques étant leur principal mode de transmission, les parasites peuvent modifier l’issue d’une interaction entre un prédateur et sa proie. Ainsi les parasites dont le cycle de vie implique plusieurs hôtes sont connus pour leur capacité à manipuler le comportement de leur hôte intermédiaire qui devient alors vulnérable à la prédation par l’hôte définitif. Par conséquent, dans un contexte d’invasions biologiques, le parasitisme peut conditionner le devenir des espèces en interaction dans un écosystème receveur.
Gammarus roeseli est un crustacé amphipode originaire des Balkans et très bien représenté à l’ouest de l’Europe. Compte tenu de sa relative ancienneté sur le territoire français, il est considéré comme naturalisé dans la Nied, un cours d’eau situé au Nord-est de la France. G. roeseli sert d’hôte intermédiaire à de nombreux parasites à cycle de vie complexe, à l’instar de l’acanthocéphale d’oiseau Polymorphus minutus. Il s’agissait dans un premier temps de dresser le profil écologique des amphipodes infectés pour, entre autres, identifier les facteurs abiotiques et biotiques qui influencent la distribution spatiale de la population hôte. Dans un deuxième temps, l’objectif fut de caractériser le comportement de fuite de l’hôte intermédiaire face au gammare exotique Dikerogammarus villosus et face à l’épinoche à trois épines, un poisson natif. Ces deux prédateurs ne risquent pas l’infection avec P. minutus et représentent par conséquent une mort certaine pour le parasite s’ils ingèrent un crustacé infecté.
Les investigations in natura et les tests en laboratoire montrent que l’infection avec P. minutus change les profils écologiques et comportementaux de G. roeseli. Dans la Nied, la fraction infectée de la population se cantonnait aux habitats de surface contrairement aux autres invertébrés, majoritairement benthiques. Sous l’effet d’un stress biotique, les amphipodes infectés réagissaient différemment aux stimuli physiques et chimiques comparativement à leurs congénères non parasités, et par conséquent étaient significativement moins consommés par D. villosus et par l’épinoche lors d’expériences menées en microcosmes.
Globalement, cette étude apporte des précisions quant au rôle sélectif des prédateurs non hôtes dans l’évolution des stratégies parasitaires, et suggère que les parasites peuvent bénéficier de l’augmentation de certains comportements anti-prédateurs, pré-existant chez l’hôte intermédiaire, pour éviter une mort certaine dans une espèce non compatible. Les implications du parasitisme en termes d’exclusion compétitive dans un écosystème receveur sont également discutées.