• Français
  • English

Séminaire vendredi 29 mars 2024

Reconstitution « 3D » des traces de mouvements à travers les sédiments Francevilliens et intercalation de tapis bactériens (Gabon) datés de 2.1 milliards d’années. Image obtenue par microtomographie à Rayons X (El Albani et al. 2019, PNAS) Une histoire de l’évolution sous les pieds de Darwin

Abder El Albani, Université de Poitiers – UMR CNRS (IC2MP)

Vendredi 29 mars 2024, à 13 heures en salle 303

 

Charles Darwin, dans On the Origin of Species, témoigne de son trouble (son dilemme) devant le problème posé par les fossiles découverts dans le Cambrien (540 millions d’années) alors que les terrains plus anciens n’en contiennent aucun. Il y voit une faiblesse de la théorie de l’évolution que ne manqueront pas d’utiliser les créationnistes. Il supposait donc que des êtres jusque-là inconnus devaient peupler cet océan très ancien qui n’avait encore révélé aucun de ses secrets.

À la recherche des origines. L’enquête que mènent les géologues attachés au problème de l’histoire de la vie sur la Terre se base sur les rares témoins qui restent de ces temps très anciens. Ce sont des roches dont les structures et les minéraux qui les composent permettent de remonter à des événements datant de plusieurs milliards d’années. Hélas ! Pour les plus anciennes, leur extrême rareté affaiblit la reconstitution de ce qu’était la planète à l’époque. Malgré cela, progressivement, le voile se lève car leur témoignage est de plus en plus finement décrypté grâce aux progrès réalisés dans les analyses morphologiques (2D & 3D) et géochimiques de pointe. Elles sont devenues incontournables et complètent formidablement l’observation. Il faut donc s’habituer à manipuler quelques principes de la géochimie et même de la physique mais il n’y a pas d’obstacle majeur dans cet exercice qui, pourtant, effraye beaucoup de nos étudiants en sciences naturelles. Pourtant, le démon vaincu permet alors de résoudre les questions qui s’enchaînent lorsque l’on veut comprendre comment la planète a fonctionné.

Qu’entendons-nous ici par une vie « sous les pieds de Darwin » ? Dans le monde que nous connaissons, notre planète contient de l’oxygène mais cela n’a pas toujours été le cas. Aujourd’hui, que l’on soit dans le Pacifique ou dans l’Atlantique, les teneurs en surface sont supérieures à 4 millilitres par litre d’eau. Ce n’était pas le cas à l’origine, quand la Terre était encore très jeune. Longue histoire qui débute à l’Hadéen (4,5 à 4,0 milliards d’années) lorsque la terre et les océans primitifs se forment. Elle se poursuit pendant l’immense Archéen (4,0 à 2,5 milliards d’années) durant lequel la planète était couverte d’eaux dépourvues d’oxygène et riches en fer. Tout change au début du Protérozoïque (2,5 à 1,8 milliards d’années) avec des catastrophes climatiques (4 glaciations) et par la suite une oxygénation de l’atmosphère. Ces événements vont amorcer la mise en place de nouvelles conditions environnementales avec un milieu suffisamment oxygéné. Contrairement aux idées reçues, ce changement radical va provoquer une révolution biologique aboutissant à l’émergence des premiers organismes pluricellulaires sur terre. Cette émergence se produit 1,5 milliard d’années avant l’explosion cambrienne sachant que cette dernière a servi de point repère pour Charles Darwin afin de bâtir la théorie de l’évolution. Entre 1,8 et 0,8 milliards d’années, l’oxygène baisse significativement et une longue période suit où une sorte de statu quo des échanges entre l’atmosphère et l’océan semble avoir figé les propriétés chimiques de la surface de la planète. C’est le fameux « milliard ennuyeux » qui se termine lui aussi par des épisodes de « Terre Boule de Neige ». Cependant, l’histoire se répète car la dernière période, le Néoprotérozoïque, s’ouvre par des glaciations majeures, une augmentation d’oxygène dans l’atmosphère et une fois encore la seconde apparition des espèces pluricellulaires de l’Édiacarien (600 millions d’années) qui précède l’explosion vitale du Cambrien (-541 millions d’années). C’est l’aube du monde moderne. L’histoire qui nous concerne ici s’achève. L’évidence soulève alors la première question : devrions-nous, humblement, re-réexaminer l’horloge moléculaire afin de mieux comprendre l’histoire de nos origines ? Ce sont les fondements de la recherche scientifique, ils suscitent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Combler l’immense puzzle des origines de la vie sur terre représente un sacré défi pour la recherche scientifique.

extrait:
lien_externe:
titre:
intervenant:
date:
kc_data:
a:8:{i:0;s:0:"";s:4:"mode";s:0:"";s:3:"css";s:0:"";s:9:"max_width";s:0:"";s:7:"classes";s:0:"";s:9:"thumbnail";s:0:"";s:9:"collapsed";s:0:"";s:9:"optimized";s:0:"";}
kc_raw_content:

Reconstitution « 3D » des traces de mouvements à travers les sédiments Francevilliens et intercalation de tapis bactériens (Gabon) datés de 2.1 milliards d’années. Image obtenue par microtomographie à Rayons X (El Albani et al. 2019, PNAS) Une histoire de l’évolution sous les pieds de Darwin

Abder El Albani, Université de Poitiers – UMR CNRS (IC2MP)

Vendredi 29 mars 2024, à 13 heures en salle 303

 

Charles Darwin, dans On the Origin of Species, témoigne de son trouble (son dilemme) devant le problème posé par les fossiles découverts dans le Cambrien (540 millions d’années) alors que les terrains plus anciens n’en contiennent aucun. Il y voit une faiblesse de la théorie de l’évolution que ne manqueront pas d’utiliser les créationnistes. Il supposait donc que des êtres jusque-là inconnus devaient peupler cet océan très ancien qui n’avait encore révélé aucun de ses secrets.

À la recherche des origines. L’enquête que mènent les géologues attachés au problème de l’histoire de la vie sur la Terre se base sur les rares témoins qui restent de ces temps très anciens. Ce sont des roches dont les structures et les minéraux qui les composent permettent de remonter à des événements datant de plusieurs milliards d’années. Hélas ! Pour les plus anciennes, leur extrême rareté affaiblit la reconstitution de ce qu’était la planète à l’époque. Malgré cela, progressivement, le voile se lève car leur témoignage est de plus en plus finement décrypté grâce aux progrès réalisés dans les analyses morphologiques (2D & 3D) et géochimiques de pointe. Elles sont devenues incontournables et complètent formidablement l’observation. Il faut donc s’habituer à manipuler quelques principes de la géochimie et même de la physique mais il n’y a pas d’obstacle majeur dans cet exercice qui, pourtant, effraye beaucoup de nos étudiants en sciences naturelles. Pourtant, le démon vaincu permet alors de résoudre les questions qui s’enchaînent lorsque l’on veut comprendre comment la planète a fonctionné.

Qu’entendons-nous ici par une vie « sous les pieds de Darwin » ? Dans le monde que nous connaissons, notre planète contient de l’oxygène mais cela n’a pas toujours été le cas. Aujourd’hui, que l’on soit dans le Pacifique ou dans l’Atlantique, les teneurs en surface sont supérieures à 4 millilitres par litre d’eau. Ce n’était pas le cas à l’origine, quand la Terre était encore très jeune. Longue histoire qui débute à l’Hadéen (4,5 à 4,0 milliards d’années) lorsque la terre et les océans primitifs se forment. Elle se poursuit pendant l’immense Archéen (4,0 à 2,5 milliards d’années) durant lequel la planète était couverte d’eaux dépourvues d’oxygène et riches en fer. Tout change au début du Protérozoïque (2,5 à 1,8 milliards d’années) avec des catastrophes climatiques (4 glaciations) et par la suite une oxygénation de l’atmosphère. Ces événements vont amorcer la mise en place de nouvelles conditions environnementales avec un milieu suffisamment oxygéné. Contrairement aux idées reçues, ce changement radical va provoquer une révolution biologique aboutissant à l’émergence des premiers organismes pluricellulaires sur terre. Cette émergence se produit 1,5 milliard d’années avant l’explosion cambrienne sachant que cette dernière a servi de point repère pour Charles Darwin afin de bâtir la théorie de l’évolution. Entre 1,8 et 0,8 milliards d’années, l’oxygène baisse significativement et une longue période suit où une sorte de statu quo des échanges entre l’atmosphère et l’océan semble avoir figé les propriétés chimiques de la surface de la planète. C’est le fameux « milliard ennuyeux » qui se termine lui aussi par des épisodes de « Terre Boule de Neige ». Cependant, l’histoire se répète car la dernière période, le Néoprotérozoïque, s’ouvre par des glaciations majeures, une augmentation d’oxygène dans l’atmosphère et une fois encore la seconde apparition des espèces pluricellulaires de l’Édiacarien (600 millions d’années) qui précède l’explosion vitale du Cambrien (-541 millions d’années). C’est l’aube du monde moderne. L’histoire qui nous concerne ici s’achève. L’évidence soulève alors la première question : devrions-nous, humblement, re-réexaminer l’horloge moléculaire afin de mieux comprendre l’histoire de nos origines ? Ce sont les fondements de la recherche scientifique, ils suscitent plus de questions qu’ils n'apportent de réponses. Combler l’immense puzzle des origines de la vie sur terre représente un sacré défi pour la recherche scientifique.

Log In

Create an account