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Equipe ECO/EVO

Responsable : Marie-Jeanne Perrot-Minnot

Adjoint : Jérôme Moreau

Thématiques de recherche

La compréhension des mécanismes qui structurent la biodiversité est encore parcellaire alors que cette connaissance approfondie est un prérequis pour faire face à l’immense défi que posent les changements globaux. La biodiversité, et son érosion, ont été historiquement abordées sous l’angle de la diversité inter- ou intra-spécifique. Depuis très récemment, une partie de la communauté scientifique œuvrant dans les disciplines de l’écologie et de l’évolution se penche sur le rôle des interactions entre organismes (les interactions biotiques), de leur altération ou de leur évolution sur la dynamique de la biodiversité et sur ses conséquences fonctionnelles. Le champ d’étude des interactions biotiques est probablement aussi vaste et diversifié que celui de l’étude de la simple diversité des organismes. Ce champ inclut les mécanismes qui régulent les interactions entre organismes appartenant à la même espèce (interactions intraspécifiques), tels que le choix d’un partenaire sexuel, et les mécanismes impliqués dans les interactions entre organismes n’appartenant pas à la même espèce, telles que les interactions hôtes parasites ou entre animaux et végétaux.

Une question centrale est de savoir ce qui détermine l’émergence d’une interaction et ce qui régule son intensité. Par exemple, au sein d’une espèce animale, ce qui détermine le choix d’un partenaire sexuel et quelles sont les stratégies qui régulent de tels choix. Pour une espèce granivore (ou frugivore), quels sont les caractères de la proie (la graine, le fruit) qui déterminent la décision de consommation et son volume. Beaucoup d’études récentes montrent que les interactions biotiques sont particulièrement sensibles aux différents moteurs anthropogéniques et que ces interactions changent qualitativement et quantitativement, voire évoluent, en réponse aux changements environnementaux. Par ailleurs, la manipulation et la régulation des interactions biotiques dans les systèmes anthropisés (par exemple les agroécosystèmes) ou les écosystèmes plus naturels, est une des voies proposées dans le contexte de l’intensification écologique ou de la conservation. Ainsi, il est supposé que la gestion des interactions à l’intérieur et entre réseaux trophiques pourrait améliorer le contrôle des pestes et des pathogènes et augmenter le rendement des cultures. Pour autant, le développement d’une ingénierie écologique (autant dans les agroécosystèmes que dans des écosystèmes plus naturels) passera par l’acquisition d’une connaissance intime des mécanismes régulant les interactions biotiques.

L’objectif de notre équipe, pour le prochain contrat, vise à renforcer une telle compréhension au niveau intra-spécifique ou au niveau inter-spécifique. C’est à travers l’analyse de la diversité des interactions et des modèles biologiques qu’émergera le corpus théorique nécessaire à appréhender ce domaine de la biodiversité. Notre démarche s’intéressera à une large diversité d’interactions biotiques et à plusieurs niveaux d’organisation. Nous proposons deux thématiques transdisciplinaires sous le vocable d’« interactions biotiques » : interactions inter-spécifiques et interactions intra-spécifiques.

Structuration générale en lien avec les différents modèles biologiques

Les activités scientifiques des membres de l’équipe s’intègrent naturellement dans les thématiques des interactions intra-spécifiques et inter-spécifiques. Cette articulation sera le gage d’une interaction forte entre ces deux thèmes et d’un échange conceptuel qui sera renforcé par une politique d’animation scientifique ambitieuse. Ainsi, un des objectifs majeurs sera de favoriser un dialogue permanent entre ces deux axes thématiques.

Axe 1. Interactions interspécifiques

Plusieurs projets scientifiques que nous souhaitons développer dans le prochain contrat s’intéressent à la dynamique évolutive des interactions biotiques entre espèces. Deux interactions sont privilégiées, les interactions hôtes-parasites et des interactions plantes animaux (di- ou tri-trophiques). Le domaine des interactions hôtes-parasites est une des voies historiques dans laquelle un certain nombre de chercheurs et d’enseignants chercheurs sont engagés de longue date et ont par là même acquit une forte lisibilité nationale et internationale. Le domaine des interactions plantes-animaux est plus récent mais cette thématique émergente a un fort potentiel de développement scientifique.

Interactions hôtes-parasites

Les recherches que nous souhaitons mener dans le cadre des interactions hôtes parasites s’intéressent à deux problématiques : l’écologie évolutive des interactions hôtes-parasites et un aspect plus analytique des mécanismes impliqués.

Ecologie évolutive des interactions hôtes-parasites

L’objectif est ici d’analyser comment l’environnement abiotique influence les interactions hôtes parasites et comment les changements globaux impacteront qualitativement et quantitativement la nature de cette interaction en prenant comme modèle biologique les crustacés amphipodes du genre Gammarus, de plus en plus utilisé en écotoxicologie. Cette recherche est essentiellement menée dans le cadre de l’ANR « Multistress », débutée en 2014, et coordonnée par T. Rigaud. L’un des objectifs de l’ANR, est de déterminer dans quelle mesure les organismes peuvent résister ou tolérer plusieurs types de stress, notamment l’interaction entre stress d’origines anthropiques (contaminants, ou réchauffement climatique) et stress dus à une infection parasitaire. Le projet prévoit d’explorer les effets combinés de variations de températures et de la présence d’un parasite acanthocéphale sur le comportement et la physiologie de ces animaux. Le second objectif de l’ANR « Multistress » est d’apprécier l’impact de différents stress d’origines anthropiques (différents types de contaminants) sur la variation génétique. Il s’agira de tester si les contaminations impactent la diversité génétique des Gammaridés, où s’il existe des traces d’adaptations locales comme cela a été observé chez quelques autres organismes (plantes, notamment). Lors des études de terrain nécessaires pour explorer ces questions, le taux de parasitisme sera noté et également mis en regard de la diversité cryptique des hôtes.

Le deuxième objectif de recherche s’intéressera au caractère adaptatif du phénomène de « manipulation parasitaire ». Plusieurs espèces de parasites, notamment celles à cycle complexe, induisent chez leurs hôtes des altérations phénotypiques de nature à faciliter la complétion du cycle parasitaire. Selon l’hypothèse dite de « manipulation parasitaire », ces altérations sont l’expression d’un phénotype étendu (sensu Dawkins), ce qui suppose que la capacité des parasites à manipuler leurs hôtes a été sélectionnée dans le passé ou est éventuellement toujours soumise à sélection. Cependant les données censées étayer cette hypothèse sont, dans leur immense majorité, essentiellement corrélationnelles. Elles s’appuient, d’une part, sur la mise en évidence des altérations phénotypiques et de leur apparente finalité et de l’autre, sur la vulnérabilité accrue des individus parasités à la prédation par les hôtes définitifs, établissant au passage une relation de causalité entre les deux phénomènes. Or, la démonstration effective de cette relation de causalité reste à établir dans la plupart des cas et les rares tentatives en ce sens se sont soldées par un échec. Qui plus est, il est aujourd’hui largement reconnu que la « manipulation » est « multidimensionnelle », en ce sens qu’elle ne porte pas sur un seul mais plutôt sur un ensemble de caractères phénotypiques. Une question émergente concerne donc la part relative des différentes altérations dans la « facilitation » du cycle du parasite. Dans la continuation des travaux réalisés au cours du précédent contrat, nous proposons de répondre à cette question en combinant des méthodes d’ingénierie phénotypique et des tests de prédation en milieu naturel et artificiel afin d’estimer l’importance de la multi-dimensionnalité de la manipulation au sein de différentes associations entre crustacés et parasites acanthocéphales.

Enfin, un troisième objectif de recherche s’intéresse à la détection et à l’analyse de la charge parasitaire dans la faune sauvage. En effet, il est impératif, mais très complexe, de faire un suivi des différents pathogènes de la faune sauvage car elle constitue un réservoir majeur pour les maladies émergentes humaines et des animaux domestiques. Actuellement, nous sommes en train de tester la possibilité d’analyser les repas sanguins de diptères hématophages pris sur la faune sauvage pour procéder à un tel suivi. Les résultats sont très encourageants et nous souhaitons amplifier et affiner des méthodologies non-invasives pour inventorier la diversité de la charge parasitaire et virale de la faune sauvage. Ces études se déroulent au Gabon en collaboration avec des chercheurs de l’UMR MIVEGEC (Montpellier) et du CIRMF (Gabon).

Analyse des mécanismes impliqués

Notre objectif est d’approfondir nos connaissances sur les mécanismes qui gouvernent la relation hôte-parasite, notamment en ce qui concerne l’immunité et son transfert trans-générationnel chez les invertébrés, et les mécanismes de manipulation parasitaire.

Immunoécologie et transfert d’immunité trans-générationnel. Pour combattre les parasites microbiens, les invertébrés ne disposent que d’un système immunitaire leur procurant une immunité de type innée. Typiquement, l’immunité innée est caractérisée par une absence de mémoire et de spécificité. Cependant, depuis quelques années, de nombreux résultats expérimentaux montrent que la réponse immunitaire des insectes n’est pas identique au cours d’infections répétées et qu’elle présente parfois un niveau de spécificité élevée suggérant la présence d’un transfert trans-générationnel d’immunité (TTGI) qui se manifeste par un transfert facultatif d’activité antimicrobienne aux œufs et par la stimulation de la production d’effecteurs immunitaires chez les descendants. L’intérêt de ce TTGI serait d’assurer une meilleure survie aux jeunes au cas où le risque infectieux de l’environnement parental persisterait dans l’environnement de la génération suivante. Nos résultats récents montrent que l’expression du transfert maternel d’immunité chez le coléoptère Tenebrio molitor se réalise au détriment de l’aptitude phénotypique de la mère et de ses descendants suggérant un avantage sélectif œuvrant à son maintien. Cependant, cet avantage n’a pas encore été démontré chez T. molitor et il existe de la variabilité inter-individuelle pour l’expression du TTGI. L’origine de cette variation n’est pas connue mais il est possible qu’elle résulte de la variation dans la persistance des agents pathogènes d’une génération à l’autre. Par conséquent, cette variation pourrait en partie être déterminée génétiquement. Par ailleurs, l’existence du TTGI chez les insectes pose des questions quant aux mécanismes par lesquels il est accompli. En effet, les insectes ne disposent pas d’immunoglobulines par lesquels le TTGI se réalise chez les vertébrés. Les mécanismes du TTGI chez les insectes restent donc à découvrir. Dans le cadre de l’ANR « MATER-IMMUNITY » débutée en 2014, et coordonnée par Y. Moret, nous proposons d’examiner l’avantage sélectif du TTGI chez T. molitor, d’étudier la génétique quantitative de ce trait et de caractériser ses aspects fonctionnels. Ces travaux nous permettrons de caractériser la valeur adaptative du TTGI, d’estimer son héritabilité, d’identifier les contraintes génétiques associées à son évolution et de comprendre les mécanismes physiologiques et moléculaires par lesquels ils se réalisent en collaboration, pour ce dernier objectif, avec des chercheurs de l’UMR 5244 IHPE (Perpignan) et de l’institut AgroBiotech (Sophia Antipolis).

Mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le phénomène de « manipulation parasitaire ». La manipulation parasitaire est multidimensionnelle et se caractérise à la fois par des changements comportementaux tels qu’une inversion de taxie, d’activité locomotrice, mais aussi physiologiques (taux métabolique, réserves énergétiques), notamment chez les parasites acanthocéphales. La compréhension du caractère adaptatif du phénomène de « manipulation parasitaire » implique d’élucider les mécanismes sous-jacents. Nous sommes engagés dans cette voie depuis quelques années et avons obtenus des premiers résultats probants sur l’implication de différentes voies physiologiques chez différentes associations hôte-parasite. Nous souhaitons, au cours du prochain contrat, aller plus loin en étudiant le lien entre réponse immunitaire, perturbations neurophysiologiques et altérations phénotypiques. Concernant ces dernières, nous prévoyons d’inclure le phénomène de castration, totale ou partielle, typiquement observé chez les crustacés infectés par des parasites acanthocéphales. La principale question sera de savoir si les différentes altérations phénotypiques surviennent indépendamment les unes des autres au plan mécanistique, ou si elles sont fonctionnellement liées.

Interactions plantes-animaux

Plusieurs thématiques de recherches se sont mises en place récemment et résultent de l’arrivée de chercheurs et d’enseignants-chercheurs travaillant sur différentes interactions di- ou tri-trophiques entre plantes et animaux. Ces recherches portent sur plusieurs modèles biologiques, mais un premier ensemble de travaux que nous souhaitons mener ou poursuivre concerne la vigne et ses ravageurs, alors que le deuxième ensemble s’intéresse aux interactions entre les fruits, les graines et les animaux granivores ou frugivores.

Les systèmes tritrophiques vigne-ravageurs

L’idée générale est d’étudier le fonctionnement écologique et évolutif d’une interaction plante/vecteur/pathogène ou plante/ravageur/parasitoïde dans un contexte de changements globaux. Deux modèles d’interactions tritrophiques dans lesquels la vigne est impliquée seront étudiés. Le premier système est celui du processus de contamination de la vigne par la flavescence dorée, le deuxième concerne le rôle des changements climatiques et de la variation des cépages sur la réponse immunitaire du vers de la grappe face à ses parasitoïdes.

La flavescence dorée (FD) est une maladie bactérienne (Candidatus Phytoplasma vitis) épidémique de la vigne. L’arrachage des vignes atteintes par la FD et les traitements insecticides contre son vecteur, la cicadelle (Scaphoideus titanus) sont obligatoires, mais la FD est toujours insuffisamment contrôlée et dévaste certains vignobles. Par ailleurs, dans le contexte du plan Ecophyto visant à réduire considérablement la quantité de pesticides utilisée en France pour contrôler les ravageurs des pistes de recherches sont menées pour augmenter les services de régulations biotiques présents dans les agrosystèmes viticoles. Pour cela il est impératif de mieux comprendre les interactions entre les 3 espèces interagissant dans cette maladie afin d’envisager d’optimiser les possibles contrôles biotiques. Dans une approche de biologie intégrative, nous souhaitons répondre à un certain nombre de questions telles que : quelle est la dynamique d’infection de la vigne par la FD ? Combien dure la période d’incubation de la maladie ? A partir de quand une plante en incubation peut-elle infecter une cicadelle ? Une plante malade est-elle plus ou moins attractive pour les cicadelles qu’une plante infestée ? Pour cela, une demande d’installation d’un laboratoire habilité à héberger vigne, phytoplasme de la flavescence et cicadelle a été formulée et est en cours d’examen. Par ailleurs, nous souhaitons estimer les distances de dispersion de la cicadelle. En 2015 une expérience de marquage recapture permettra d’estimer cette distance. Les cicadelles seront aussi recherchées le long des corridors naturels de migration d’insectes pour évaluer la possibilité de dispersion à longue et très longue distance. Nous souhaitons aussi pouvoir optimiser le piégeage spécifique de la cicadelle ce qui nécessite de mieux connaître les facteurs qui attirent ou repoussent les cicadelles à différents stades de vie. Les comportements de choix d’hôte et d’agrégation sociale seront étudiés au laboratoire sur des cicadelles saines élevées au laboratoire. L’effet de la bactérie sur le comportement de choix de la cicadelle sera aussi étudié. Enfin, le recours à la modélisation spatiale permettra de comprendre le fonctionnement de cette interaction tripartite et de cibler les vulnérabilités du cycle de vie de la cicadelle.

Le deuxième système tritrophique dans lequel la vigne est impliquée concerne le rôle des changements climatiques et de la variation des cépages sur la réponse immunitaire du vers de la grappe face à ses parasitoïdes. Prédire l’impact du réchauffement climatique sur l’écologie des insectes ravageurs, pour permettre à terme d’anticiper au mieux les dégâts à venir ainsi que les stratégies de lutte à mettre en place, constitue un champ de recherche en plein essor. A l’heure actuelle, quasiment aucune étude ne s’est intéressée à l’effet de cette augmentation de température sur le système immunitaire des insectes. Cette absence de données est problématique puisque la régulation des insectes ravageurs passe par l’intervention d’ennemis naturels comme les parasitoïdes. Or, le système immunitaire constitue la barrière la plus efficace des ravageurs pour lutter contre ces parasitoïdes. Comprendre comment l’augmentation de température modifiera l’efficacité du système immunitaire des ravageurs, et en retour leur capacité de défense contre les parasitoïdes, revêt alors un intérêt tout particulier dans une optique de gestion des ravageurs. Les vers de la grappe, qui se nourrissent à l’état larvaire sur différents cépages de vigne, et qui sont la cible de nombreuses espèces de parasitoïdes, représentent un modèle d’étude idéal. En effet, nous avons montré (i) que le système immunitaire des vers de la grappe varie en fonction des cépages sur lesquels les larves ont effectué leur développement, (ii) que le système immunitaire des populations françaises varie le long d’un gradient sud-nord, laissant présager un effet des températures sur le système immunitaire, et (iii) que le taux de parasitisme varie en fonction des régions. Notre projet pour le prochain contrat ambitionne donc de déterminer les effets du changement climatique sur la fonction immunitaire des insectes ravageurs en lien avec leur milieu de vie et de tester les répercussions sur le troisième niveau trophique (les parasitoïdes). Deux approches seront entreprises en parallèle pour répondre à cette question. La première sera constituée d’études expérimentales au laboratoire sur des larves issues de notre élevage afin de tester l’effet d’une augmentation de la température sur les différents effecteurs immunitaires à l’aide d’enceintes climatiques. La seconde approche sera constituée d’expériences basées sur des échantillonnages en populations naturelles dans des populations aux profils immunitaires contrastés. Les défenses immunitaires ainsi que les traits d’histoire de vie développementaux et de reproduction seront caractérisés afin d’identifier des compromis effectifs. Des tests de parasitisme avec des parasitoïdes issus d’élevage nous permettront d’appréhender la capacité de défense de ces larves en fonction de leur origine (sud versus nord). Enfin, à l’aide de croisements en environnements contrôlés nous testerons l’origine de ces variations populationnelles du système immunitaire (sélection naturelle versus plasticité phénotypique).

Interactions plantes-granivores/frugivores

La construction expérimentale ou empirique de réseaux trophiques complexes dans les agroécosystèmes ou les habitats naturels est une étape cruciale pour concevoir des stratégies de gestion des pestes et des ravageurs ou mener des actions de conservation dans un contexte de changements globaux et de diminution des intrants en zone agricole. Par exemple, la régulation haut-bas des adventices des cultures par des espèces granivores pourrait être augmentée ou optimisée par une manipulation des réseaux trophiques plantes-granivores dans les agropaysages. Inversement, la disparition d’une faune diversifiée dans les zones forestières tropicales, largement composée d’espèces frugivores aura des effets en cascade sur tout l’écosystème et se traduira, entre autre, par une réorganisation importante des mécanismes de dispersion des graines en faveur des espèces végétales anémochores ou barochore, sans pour autant que nous soyons encore capables de faire du prévisionnel sur l’évolution des processus. Il est donc urgent de pouvoir connecter de manière quantitative les espèces végétales et leurs prédateurs (granivores) ou leurs agents de dispersion. Face à la complexité de la tâche, une approche prometteuse consiste à relier les traits des ressources (graine, fruits) au comportement des consommateurs. Notre projet, pour le prochain contrat, sera précisément de mettre en évidence la relation entre les traits d’une ressource végétale et l’intensité de la consommation de la ressource par les espèces granivores ou frugivores. Nous travaillerons sur deux modèles plurispécifiques. Un premier modèle sera localisé dans la plaine céréalière autour de Chizé et sera constitué du réseau d’espèces granivores des adventices de cultures. Certains enseignants-chercheurs, au sein de notre équipe, travaillent en collaboration avec le CEBC de Chizé, ainsi qu’avec d’autres UMR sur des projets financés par des ANR, dont une qui vient de débuter (ANR AGROBIOSE). Le deuxième modèle sera constitué par le réseau d’interaction plante-frugivore en zone forestière d’Afrique Centrale (au Gabon). Les réseaux qualitatifs (binaires) entre plante et granivores (ou frugivores) sont en cours de construction sur la base de compilation bibliographiques ou de travaux de recherches déjà menés. L’intensité de la prédation des graines ou de la consommation des fruits sera quantifié pour un sous-échantillon des réseaux ce qui nous permettra d’identifier les traits qui modulent l’intensité de l’interaction. Parallèlement, des expériences ciblées réalisées sur différentes espèces de granivores appartenant à des groupes contrastés seront menées pour valider les prédictions obtenues.

Axe 2. Interactions intraspécifiques

Le projet de recherche que nous souhaitons mener dans le domaine des interactions intraspécifiques s’intéresse au rôle de la compétition sur les aspects qualitatifs ou quantitatifs des interactions entre individus. Nous souhaitons nous focaliser sur deux thématiques portant (1) sur les stratégies de décisions chez des individus en compétition et (2) sur les processus de sélection sexuelle.

Compétition intra-spécifique et stratégies de décision

Ce projet de recherche porte sur l’émergence, le maintien et l’évolution des règles de décision (decision rules) chez les animaux en lien avec leur histoire évolutive et les pressions de compétitions subies et/ou perçues. Nous envisageons trois approches.

La première approche concerne les mécanismes à l’origine des choix exprimés par les individus dans un contexte de compétition intra-spécifique pour une ressource (partenaires sexuels, nourriture, sites de ponte, etc.). Comment l’individu perçoit-il la pression de compétition, et comment cette information est-elle intégrée dans le processus décisionnel? On considère habituellement que le choix réalisé par les individus nécessite un investissement conséquent en temps et en énergie, inhérent à l’échantillonnage et à la perception des pressions directes et indirectes exercées par les compétiteurs. L’intégration à bon escient d’une information incomplète permettrait aux individus de faire l’économie de ces coûts cognitifs, sans pour autant diminuer trop drastiquement leur gain d’aptitude phénotypique face aux compétiteurs. Nous explorerons ces questions en identifiant et en mesurant l’efficacité d’heuristiques décisionnelles simples mais robustes qui intègrent les pressions de compétition perçues/subies. Leur efficacité dépend par exemple de la rapidité et de la précision avec lesquelles les individus effectuent un choix face aux compétiteurs. Nous mesurerons donc le lien probable entre la rapidité de la décision, sa précision quant à l’information disponible, et l’heuristique impliquée en réponse à la pression de compétition. La deuxième approche concerne les conséquences populationnelles des processus de choix individuels, en se focalisant sur le choix du/des partenaires sexuels influencé par l’intensité de compétition intra-spécifique. A cette échelle, les choix individuels et les règles sous-jacentes seront approximés en tenant compte des patrons d’appariements au sein des populations et des pressions de compétition intra-populationnelles. La troisième approche concerne le lien entre les processus décisionnels et les stratégies de reproduction. Il est généralement admis que les décisions prises par les individus visent à optimiser leur aptitude phénotypique. Chez de très nombreuses espèces animales, les mâles en état d’épuisement spermatique (qu’il soit temporaire ou définitif) peuvent décider de continuer à s’accoupler bien qu’ils ne puissent plus produire de descendant. Ils entrent donc en compétition avec d’autres mâles fertiles pour l’accès aux femelles. Il a été proposé que cette stratégie soit bénéfique pour ces mâles car elle augmenterait leur aptitude phénotypique relative en baissant celle des autres mâles. Dans un contexte de compétition pour l’accès aux partenaires sexuels, cette situation – déjà prise en compte par certains membres de l’équipe – représente une opportunité unique d’étudier des processus décisionnels à l’origine d’une stratégie malveillante, ne visant pas à augmenter l’aptitude phénotypique du décideur mais bien à diminuer celle des compétiteurs. Nous souhaitons étudier (i) la plausibilité de ce scénario évolutif, (ii) les mécanismes à l’origine de la décision de ces mâles de continuer à s’accoupler, et (iii) les conséquences populationnelles de cette stratégie malveillante.

Sélection sexuelle et évolution du dichromatisme sexuel

L’étude de la sélection sexuelle occupe une part importante en écologie comportementale. Jusqu’à présent, les modèles de sélection intersexuelle se sont essentiellement attachés à rendre compte d’une situation où l’évolution conduit d’un monomorphisme à un dimorphisme sexuel via l’acquisition de caractères ornementaux chez les mâles. Or, il semble que chez un certain nombre d’espèces, notamment tropicales, l’évolution vers le dimorphisme sexuel consiste plutôt en une perte des couleurs vives et/ou des ornements chez les femelles. Le genre Loxigilla est de ce point de vue particulièrement intéressant. Il regroupe un certain nombre d’espèces de sporophiles endémiques des Antilles. Ces petits passereaux se caractérisent par l’existence d’un dichromatisme sexuel, les males possédant un plumage noir rehaussé de taches rouge-orangé sur différentes parties du corps, tandis que les femelles arborent un plumage gris-brun. Toutefois, l’étendue des colorations rouge-orangé des mâles varie entre les différentes espèces et chez l’espèce L. barbadensis, espèce récemment différenciées de L. noctis, le dichromatisme sexuel n’existe plus, les mâles étant semblables aux femelles. Différentes hypothèses peuvent être formulées à propos de l’évolution du dichromatisme sexuel au sein du genre Loxigilla. Une étape importante dans la compréhension du phénomène consiste à comprendre dans quelle mesure les caractères sexuels secondaire des mâles influencent les décisions d’appariement des femelles et comment celles-ci se comportent au sein de l’espèce où le dichromatisme sexuel a disparu.

Publications

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